Collection publique | Musée du Louvre, Paris
↷ inauguration le 24 janvier 2020
‘En octobre 2018, l’artiste d’origine vénézuélienne Elias Crespin a eu l’honneur de se voir confier la commande d’une oeuvre pérenne pour le musée du Louvre. Intitulée L’Onde du Midi, elle sera dévoilée au public le 24 janvier 2020 et occupera le prestigieux escalier sud de l’aile Sully, conçu par les architectes de Napoléon Ier, Percier et Fontaine. Situé à proximité du département des Antiquités égyptiennes, cet emplacement de choix, qui a été mûrement réfléchi par l’artiste, offre également une très belle vue sur la Seine et les mille reflets de ses eaux.
La commande de cette réalisation témoigne des liens féconds que le musée du Louvre souhaite depuis près de deux siècles maintenir avec la création contemporaine. Afin d’affirmer son caractère universel, le Louvre s’est toujours montré soucieux de faire réaliser des oeuvres permanentes dans le décor et l’architecture du Palais par des artistes vivants de grande renommée. Les élus sont peu nombreux puisque depuis Le Brun se sont succédés Delacroix, Ingres, Chagall, Braque, Cy Twombly, Anselm Kiefer et François Morellet. L’inauguration de L’Onde du Midi d’Elias Crespin constituera également un des temps forts de l’anniversaire des trente ans de la Pyramide du Louvre dans le cadre duquel d’autres artistes ont été invités à intervenir, parfois de manière éphémère, comme JR, Jean-Michel Othoniel et Pierre Soulage. Pour Elias Crespin, la commande de ce projet par Jean-Luc Martinez, président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, est la marque d’une confiance rare : « Je lui suis extrêmement reconnaissant, déclare l’artiste, non seulement pour la confiance qu’il m’a accordée mais aussi pour la liberté de choix qu’il m’a laissée. J’ai arpenté le Louvre et ses chefs-d’oeuvre, à la recherche de l’espace le plus apte à accueillir mon travail. Une telle commande ouvre réellement le champs des possibles. C’est à la fois excitant et très difficile. Je ne saurai jamais assez remercier le Louvre de m’avoir donné cette opportunité, mais aussi la France qui, en m’accueillant, m’a permis d’accomplir de manière inespérée mes rêves d’artiste.»
Elias Crespin, dont l’oeuvre s’inscrit dans la mouvance de l’art cinétique latino-américain, s’est imposé sur la scène artistique internationale par la beauté ingénieuse de ses mobiles électrocinétiques. L’Onde du Midi, qui appartient à la catégorie des « Plano Flexionante », consiste en un alignement parallèle de 128 tubes cylindriques suspendus dans les airs par des fils invisibles. Céleste et aérien, le mobile se présente au repos comme un plan horizontal rectangulaire d’une longueur de près de 10 mètres ( 1,50 L x 9,50 l mètres). Pris dans un mouvement permanent, il semble échapper aux lois de la gravitation et s’anime dans l’espace sur une amplitude de 3 à 4,50 mètres de haut, au rythme de séquences déterminées par des algorithmes numériques. Cette chorégraphie ondulatoire, qui se déploie sans aucune linéarité mécanique, privilégie la lenteur et favorise la contemplation et l’émerveillement. En prise directe avec l’oeuvre, comme hypnotisé, le spectateur est embarqué dans la danse lente et gracieuse des formes dont le jeu infini des combinaisons ne peut être anticipé. Les configurations spatiales du mobile ne cessent effectivement de surprendre, selon que les formes se dilatent, s’aplanissent, se diffractent, passant ainsi de l’ordre au chaos, du simple au complexe. L’intérêt pour le mouvement, conjugué à la lenteur, situe Elias Crespin de manière très à part dans l’histoire de l’art cinétique. Si l’on songe à Vasarely, Soto ou encore Cruz-Diez, la question du mouvement a le plus souvent été associé aux phénomènes d’accélération, de vitesse ou de perturbation visuelle. La mécanique ondulatoire de L’Onde du Midi, s’insérant avec élégance dans son cadre architectural, la colonnade centrale de l’escalier, présente également un écho subtil aux flots ondoyants de la Seine. Les tubes d’aluminium gris et bleu, renvoyant simultanément au minéral et à l’élément liquide, se détachent avec contraste et finesse graphique des parois murales en pierre, aux tonalités plus chaudes. Dans cette œuvre d’Elias Crespin, l’intuition créatrice et la rigueur scientifique se rencontrent pour rendre visibles les lois de l’univers, suivant les préoccupations de l’artiste qui fut, à une autre période de sa vie, ingénieur en informatique : « J’ai toujours été intéressé par les formes et la logique. Je suis sensible à la sensualité et à la perception des choses, comme apprécier un beau coucher de soleil. Mais je m’intéresse aussi à des choses plus complexes, comme les fonctions, les propriétés d’un cercle ou d’un triangle, le dessin que peut générer une relation mathématique particulière ».
Dédié à l’expression du mouvement et à la traduction de la fluidité, L’Onde du Midi laisse au spectateur la possibilité d’ouvrir son imagination au suspens de la mobilité visuelle et mentale. Au contact des œuvres d’Elias Crespin, notre rapport au présent ne se résume plus à l’immédiateté, à la simultanéité ou à une seule temporalité ; il tient davantage à des durées, à des expériences qui nous traversent et nous impriment.’
Domitille d’Orgeval
Musée du Louvre – Escalier du Midi
Rue de Rivoli
75001 Paris